Johann Sebastian Bach (1685-1750)
La Passion selon Saint-Jean, BWV 245
Concert sans pause
Fin du concert : ± 22h15
La Passion selon Saint-Jean, BWV 245
Concert sans pause
Fin du concert : ± 22h15
Reinoud Van Mechelen, ténor - évangéliste
Krešimir Stražanac, basse - Jésus
Philipp Kaven, basse - Pilate
Dorothee Mields - remplacée par Marie Luise Werneburg pour cause de maladie, soprano
Alex Potter, contre-ténor
Guy Cutting, ténor
Peter Kooij, basse
Philippe Herreweghe, dir.
Le Christ vu par Saint-Jean
Le Vendredi saint du 7 avril 1724, en l’Église Saint-Nicolas de Leipzig, la Passion selon Saint-Jean de Jean-Sébastien Bach résonna pour la toute première fois. Bach avait alors 38 ans et occupait depuis un an le poste de Thomaskantor de la ville. Cette fonction consistait à diriger le chœur de l’Église Saint-Thomas, à fournir de la musique aux églises Saint-Thomas et Saint-Nicolas et à enseigner à l’École Saint-Thomas.
La Passion selon Saint-Jean est la toute première passion composée par Bach. En 1721, Johann Kuhnau (1660- 1722), son prédécesseur au même poste, avait décidé d’interpréter des passions chaque Vendredi saint à Leipzig, et Bach se fit un plaisir de poursuivre cette tradition. Tout au long de l’année, il devait composer cantate sur cantate pour les messes hebdomadaires dans les églises, mais il a disposé de plus de temps pour écrire la grandiose Passion selon Saint- Jean orchestrale et vocale. Il faut préciser que durant le Carême, les cantates étaient interdites. Nous ne savons pas exactement à quoi ressemblait la Passion en 1724. Elle fut à nouveau exécutée à Leipzig en 1725, en 1732 et enfin en 1749, et à chaque reprise, Bach continuait d’y apporter des modifications. Les versions diffèrent largement et le passage des années fut à l’origine de nombreuses pertes. Aujourd’hui, on part généralement de la « version propre » de 1739 (dont seulement vingt pages furent finalisées), à laquelle on ajoute des passages de la version de 1749.
Malgré le fait que Bach ait continué de perfectionner la Passion selon Saint- Jean, l’œuvre a toujours un peu évolué dans l’ombre de la Passion selon Saint- Matthieu de 1727. Ceci n’a rien à voir avec l’intensité de la musique, qui n’a rien à envier à sa « grande sœur ». Il faut plutôt creuser du côté de la manière dont Jean, dans son évangile, aborde le chemin de croix de Jésus. Là où Jésus, dans l’évangile de Matthieu, s’abandonne à la résignation, Jean nous confronte à un Jésus qui entre en dialogue avec le peuple et les autres personnages de l’histoire. D’une part, ceci engendre une narration dynamique et variée du chemin de croix et d’autre part, Jean ne présente pas la crucifixion de Jésus comme un événement triste, mais – paradoxalement – comme une victoire plutôt glorieuse. Jean met l’accent sur la victoire définitive de Jésus sur la mort par la résurrection. C’est pourquoi cette version contient beaucoup moins d’arias graves et émotionnellement chargées que la Passion selon Saint-Matthieu (qui font justement sa renommée). Bref, dans l’évangile de Jean, Jésus prend son destin en main et est présenté comme une personne résolue : il n’y a pas de baiser à Judas, il se rend sans hésiter après avoir été trahi et ne demande pas d’aide à Simon de Cyrène pour porter la croix. On remarquera que Bach a choisi d’intégrer un passage de l’évangile de Matthieu afin que Jésus accorde quand même de l’attention à la repentance de Pierre.
Au travers de cette lecture « sobre » du chemin de croix, Jean souhaite présenter le Christ au monde comme un roi. C’est au moment où la croix s’élève qu’il est véritablement couronné : « Et Pilate écrivit un écriteau et le plaça sur la croix, et il était écrit : “Jésus de Nazareth, le roi des Juifs” ». Bach joue lui-même musicalement avec ce message de Jean en accordant au mot « glorification » une importance centrale dans le chœur d’ouverture dramatique : « Seigneur, notre souverain, dont la renommée dans tous les pays est glorieuse ! Montre-nous, par ta passion, que toi, le vrai fils de Dieu, à toute heure, même dans la plus grande humiliation, tu es glorifié ! », ou en donnant une tournure triomphale aux mots « Le héros de Juda vainc avec force » dans l’aria Tout est achevé.
Tout au long de la Passion selon Saint-Jean, Bach alterne le chemin de croix avec des chorals luthériens, des textes libres et des arias sur des textes de divers poètes dont Christian Weise, Barthold Heinrich Brockes et Christian Heinrich Postel. Comme dans la Passion selon Saint-Matthieu, les arias forment, avec les chorals, des points de repos au sein de la narration dynamique. La Passion selon Saint-Jean contient huit arias, deux pour chaque soliste. Les arias reflètent les événements qui les précèdent directement. Leurs caractères sont très divers : réconfortant (Mon précieux Sauveur), galvanisant (Hâtez-vous, hâtez-vous), ou encore berçant (Reposez-vous bien). À l’opposé du caractère réservé des arias, on retrouve les passages exprimant les réactions du peuple haineux, des exégètes séditieux, des soldats indifférents et des spectateurs moqueurs. Ces quatorze passages choraux dramatiques, appelés « turbae », évoquent par exemple l’excitation des soldats et des serviteurs des grands prêtres et des Pharisiens lorsque Jésus leur raconte qu’il est « Jésus de Nazareth », celui qu’ils cherchent. Bach abandonne symboliquement la flûte dans la reprise de ce passage (souvent symbole du péché dans sa musique) lorsque les soldats remarquent qu’ils ne parviennent pas à intimider Jésus. Ce genre de symbolisme musical est omniprésent dans la passion. Dès le chœur d’ouverture, Bach confie aux bois les notes mi bémol (es), ré (d) et sol (g), en référence aux mots « soli (es) deo (d) gloria (g) » : à la gloire de Dieu seule. Le moment le plus important de la passion occupe une position tout aussi symbolique : étonnamment, il ne s’agit pas de la mort de Jésus, mais du moment où Ponce Pilate cède à la pression, condamnant Jésus à mort. Ceci s’exprime musicalement dans le choral De ta prison, Fils de Dieu qui, d’un point de vue symétrique, est le point central de la Passion selon Saint-Jean. Bach veut ainsi mettre l’accent sur l’importance de l’action humaine plus que sur la mort du Christ. Ce n’est donc pas un hasard si sa Passion selon Saint-Jean se termine par un choral introspectif et non par un chœur grandiose. Dans ce choral, Ah, Seigneur, laisse ton cher petit ange à ma fin dernière amener mon âme au sein d’Abraham, il place tout le chemin de croix dans une perspective théologique. Il nous transmet un message : à la fin des temps, nous contemplerons à nouveau la gloire de Jésus. Luther a d’ailleurs lui-même pointé du doigt « la beauté unique de l’évangile de Jean ». Il écrit : « L’évangile de Jean est le seul vrai, bon évangile, d’une importance cruciale, celui qu’il faut, de loin, préférer aux trois autres », car « il décrit admirablement la manière dont la foi en Jésus-Christ dépasse la mort et les enfers et offre la vie, la justice et le salut ».
Waldo Geuns
L’ensemble fut créé en 1970 à l’initiative de Philippe Herreweghe. Il était à l’époque l’un des premiers à vouloir étendre les nouveaux principes d’interprétation de la musique baroque à la musique vocale. Cette approche authentique, mettant l’accent sur le texte et la rhétorique est à la base d’un langage sonore transparent. Ceci a permis au Collegium Vocale Gent d’obtenir en quelques années une reconnaissance internationale et d’être invité à se produire dans des salles de concert et des festivals musicaux prestigieux en Europe, aux États-Unis, en Russie, en Amérique du Sud, au Japon, à Hong Kong et en Australie. Depuis 2017 l’ensemble organise son propre festival d’été en Toscane, Italie : Collegium Vocale Crete Senesi.
Sous la direction de Philippe Herreweghe, le Collegium Vocale Gent s’est construit une riche discographie de plus de cent enregistrements, principalement édités par les labels Harmonia Mundi France et Virgin Classics.
Philippe Herreweghe est né à Gand. Dans sa ville natale, il mène de front des études universitaires et une formation musicale au conservatoire dans la classe de piano de Marcel Gazelle. À cette époque, il commence à diriger et en 1970, il fonde le Collegium Vocale Gent. Nikolaus Harnoncourt et Gustav Leonhardt sont attirés par son approche exceptionnelle de la musique et l’invitent alors à collaborer à l’enregistrement intégral des cantates de Bach. Très vite, l’approche vivante, authentique et rhétorique pratiquée par Philippe Herreweghe dans la musique vocale suscite l’unanimité et en 1977, il fonde à Paris l’ensemble La Chapelle Royale, spécialisé dans l’interprétation de la musique française du Siècle d’or. De 1982 à 2002, Philippe Herreweghe est directeur artistique des Académies Musicales de Saintes. Durant cette période, il crée différents ensembles qui lui permettent de développer une interprétation convaincante d’un répertoire qui s’étend de la Renaissance à la musique contemporaine. Ainsi voient le jour l’Ensemble Vocal Européen, spécialisé dans la polyphonie de la Renaissance, et l’Orchestre des Champs-Élysées, fondé en 1991 dans le but de remettre en valeur les répertoires romantique et préromantique interprétés sur instruments d’époque. Depuis 2009, Philippe Herreweghe travaille activement avec le Collegium Vocale Gent au développement d'un grand chœur symphonique au niveau européen. En 2017, Philippe Herreweghe a reçu un doctorat honoris causa à l'Université de Gand. En 2021, Philippe Herreweghe a reçu l'Ultima, prix de carrière pour le mérite culturel général accordé par le gouvernement flamand.
Reinoud Van Mechelen, ténor
Reinoud Van Mechelen a été récompensé en 2017 par le prestigieux Prix Caecilia du Jeune Musicien de l’Année décerné par l’Union de la Presse musicale belge. Reinoud se produit régulièrement avec divers grands ensembles baroques. Il a déjà interprété le rôle de l’évangéliste dans la Passion selon Saint-Jean de J.S. Bach avec le Royal Liverpool Philharmonic, le Koninklijk Concertgebouworkest à Amsterdam et le Collegium Vocale Gent. Parmi ses enregistrement récents, Clérambault, cantates françaises (2018, Diapason d'or), The Dubhlinn Gardens (2019) et Dumesny, haute-contre de Lully (2019) ont été publiés par Alpha Classics.
Krešimir Stražanac, basse
Le basse-baryton croate Krešimir Stražanac a remporté des prix lors de nombreux concours internationaux, dont le Cantilena Gesangswettbewerb à Bayreuth et le Concours international Hugo Wolf en Slovénie. En tant que membre de l’Opernhaus de Zurich, il s’est produit dans des opéras de Péter Eötvös, de Giacomo Puccini et de Richard Strauss notamment. Ces dernières années, il a fait ses débuts avec de nombreux orchestres avec notamment les Passions et de nombreuses autres oeuvres de Johann Sebastian Bach, de Wolfgang Amadeus Mozart, de Johannes Brahms, de César Franck et d’Anton Bruckner. Il donne également régulièrement des récitals en Europe et au Japon et a collaboré à la réalisation de nombreux enregistrements CD et DVD.
Philipp Kaven, basse
Philipp Kaven (°1984 - Berlin) est membre du Collegium Vocale Gent depuis 2011. Il a étudié à la Hochschule für Musik "Carl-Maria-von-Weber" avec Christiane Bach-Röhr. Au cours de sa carrière de concertiste, Philipp Kaven s'est produit avec le Lautten Compagney Berlin avec Wolfgang Katschner, la Dresdner Philharmonie, le Festivalorchester der Internationalen Bachakademie Stuttgart, le Bach-Collegium Stuttgart et le Bach-Collegium Berlin, le Dresdner Barockorchester et divers ensembles de musique religieuse. De 2019 à 2020, Philipp Kaven a chanté, entre autres, dans la Passion selon Saint Jean de Bach à Berlin et à l'Académie Bach au Concertgebouw de Bruges avec l'Ensemble Masques. En 2022, Philipp Kaven était soliste lors de la tournée européenne du Collegium Vocale Gent.
Dorothee Mields, soprano
Dorothee Mields est l’une des plus grandes interprètes de la musique des XVIIe et XVIIIe siècles. Elle est connue pour son timbre unique et ses interprétations émouvantes. Elle se produit régulièrement avec le Collegium Vocale Gent, la Nederlandse Bachvereniging, l'Orfeo Barockorchester, le Freiburger Barockorchester, le RIAS Kammerchor, le Bach Collegium Japan, l’Orchestra of the 18th Century, Lautten Compagney Berlin, Tafelmusik Baroque Orchestra Toronto, The English Concert et Klangforum Wien, sous la directions de chefs d’orchestre comme Stefan Asbury, Beat Furrer, Michi Gaigg, Paul Goodwin, Philippe Herreweghe, Emilio Pomàrico, Hans-Christoph Rademann, Andreas Spering, Masaaki Suzuki et Jos van Veldhoven.
--- remplacée par ---
Marie Luise Werneburg, soprano
Lors de ses études de musique d'église et le chant à Dresde et à Brême, Marie Luise Werneburg a développé son amour pour la musique des XVIIe et XVIIIe siècles. Les œuvres de Heinrich Schütz et de Jean-Sébastien Bach constituent son répertoire de prédilection. Marie Luise Werneburg se produit en tant que soliste dans le monde entier et collabore avec les ensembles suivants : Bachstiftung St. Gallen (Ruedi Lutz), Nederlandse Bachvereniging (Shunske Sato), Bach Collegium Japan (Masaaki Suzuki), Abendmusiken Basel (Jörg-Andreas Bötticher), Musica fiata (Roland Wilson), Continuuu-m (Elina Albach) et Weser Renaissance (Manfred Cordes). Sa vaste discographie comprend également ses propres projets axés sur les lieder. Plus récemment, en 2021, elle a enregistré des chansons du compositeur de Johann Gottlieb Naumann avec le pianiste Sebastian Knebel pour le label CPO.
Alex Potter, contre-ténor
Cette « étoile montante du monde des contre-ténors » est un interprète très recherché pour la musique des XVIIe et XVIIIe siècles. Alex Potter s’est produit avec des chefs d’orchestre comme Philippe Herreweghe, Thomas Hengelbrock, Lars Ulrik Mortensen, Jordi Savall, Jos van Veldhoven et Peter Neumann. Outre ses interprétations des oeuvres de Bach, de Händel et d’autres compositeurs, il s’efforce d’interpréter et d’enregistrer un répertoire moins connu. Il s’est constitué une riche discographie en collaboration avec de nombreux ensembles. Son CD Fede e Amor, consacré à la musique baroque viennoise pour alto et trombones obligés, est paru en 2014 sous le label Ramée. Un enregistrement de cantates solos de Telemann est paru en 2019 sous le label CPO.
Guy Cutting, ténor
Le ténor britannique Guy Cutting a terminé ses études de chant au New College d'Oxford en 2012 et s'est concentré depuis sur le répertoire baroque. Il a reçu le Jeffrey Thomas Award des American Bach Soloists. Avec l'Orchestra of the Age of Enlightenment, il a été l'étoile montante des saisons 2019/20 et 2020/21. En tant que soliste, Guy Cutting a été invité par l'Orchestra of the Age of Enlightenment, le Monteverdi Choir, l'Academy of Ancient Music, le Gabrieli Consort, le Swedish Baroque Orchestra, le Nederlandse Bachvereniging, Voces Tallinn et Le Concert Lorrain, entre autres. Dans le cadre de ces engagements, il a chanté sous la direction de chefs tels que John Eliot Gardiner, Jos van Veldhoven, Christoph Prégardien, Kristian Bezuidenhout, Stephan MacLeod, Laurence Cummings, Paul McCreesh, Marcus Creed et Risto Joost. Outre sa carrière de soliste, le ténor est également membre du Damask Vocal Quartet, qui se dédie à la musique de chambre des XIXe et XXe siècles.
Peter Kooij, basse
Peter Kooij s'est produit dans le monde entier dans des salles de concert telles que le Concertgebouw d'Amsterdam, le Musikverein de Vienne, le Carnegie Hall de New York, le Royal Albert Hall de Londres, le Teatro Colón de Buenos Aires, la Philharmonie de Berlin et de Cologne, le Palais Garnier de Paris et le Suntory and Casals Hall de Tokyo. Le répertoire de Peter Kooij va de Schütz à Weill. Il a réalisé plus de 150 enregistrements pour Philips, Sony et Virgin Classics, Harmonia Mundi, Erato, EMI et BIS. Il a été invité par BIS à enregistrer l'intégralité des cantates, passions et messes de Bach avec le Bach Collegium Japan dirigé par Masaaki Suzuki. En 2016, Peter Kooij a reçu la médaille Bach de la ville de Leipzig.
1. Chœur
Seigneur, notre souverain, dont la gloire resplendit dans le monde,
Montre-nous, par ta passion, que toi, vrai fils de Dieu,
Tu es glorifié en tous temps, même dans la plus grande humiliation.
2. Récitatif
Evangéliste
Jésus traversa avec ses disciples le ruisseau du Cédron, où était un jardin dans lequel il entra avec eux. Mais Judas, le traître, connaissait aussi ce lieu car Jésus y rencontrait souvent ses disciples. Judas, ayant rassemblé une troupe de gardes des grands prêtres et des Pharisiens, arriva là avec des torches, des lampes et des armes. Jésus, sachant tout ce qui allait arriver, sortit et leur dit :
Jésus
Qui cherchez-vous ?
Evangéliste
Ils lui répondirent :
Chœur
Jésus de Nazareth !
Evangéliste
Jésus leur dit :
Jésus
C’est moi.
Evangéliste
Mais Judas, le traître, se tenait avec eux. Quand Jésus leur dit : « C’est moi », ils reculèrent et tombèrent à terre. Alors il leur demanda à nouveau :
Jésus
Qui cherchez-vous ?
Evangéliste
Ils dirent :
Chœur
Jésus de Nazareth.
Evangéliste
Jésus répondit :
Jésus
Je vous ai dit que c’est moi ; si c’est moi que vous cherchez, alors laissez ceux-ci partir !
3. Choral
Ô grand amour, ô amour sans mesure, qui t’a mené sur ce chemin de martyre !
Je vivais en ce monde dans le plaisir et la joie, et toi tu devais souffrir.
4. Récitatif
Evangéliste
Ainsi devait s’accomplir la parole qu’il avait dite « Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés. » Alors Simon Pierre frappa de son épée le garde du Grand prêtre et lui coupa l’oreille droite ; Il s’appelait Malchus. Alors Jésus dit à Pierre:
Jésus
Remets ton épée dans son fourreau ! Ne devrai-je pas boire la coupe que mon Père m’a donnée ?
5. Choral
Que ta volonté soit faite, Seigneur Dieu, sur la terre comme dans les cieux.
Donne-nous la patience pour le temps du chagrin, l’obéissance pour l’amour et la souffrance ;
Retiens et repousse toute chair, tout sang qui agit contre ta volonté !
6. Récitatif
Evangéliste
La troupe, le capitaine et les serviteurs des Juifs maîtrisèrent Jésus et l’emmenèrent d’abord chez Hanna, le beau-père de Caïphe, qui était Grand prêtre cette année-là. Mais c’est Caïphe qui avait dit aux Juifs qu’il serait bon qu’un homme soit sacrifié au peuple.
7. Aria
Mon sauveur est attaché des liens de mes péchés, pour me délivrer,
Il se laisse blesser pour me guérir de toute l’infection du vice
8. Récitatif
Evangéliste
Mais Simon Pierre et un autre disciple suivirent Jésus.
9. Aria
Volontiers je te suis, d’un pas joyeux, et ne t’abandonne pas, ma vie, ma lumière.
Entraîne-moi, ne cesse pas de me tirer, de me pousser, de me solliciter
10. Récitatif
Evangéliste
Ce disciple était connu du Grand prêtre et entra avec Jésus dans son palais. Mais Pierre resta à la porte. Alors le disciple sortit, parla à la gardienne de la porte et conduisit Pierre à l’intérieur. La servante, gardienne de la porte, dit alors à Pierre :
Ancilla
N’es-tu pas un disciple de cet homme ?
Evangéliste
Il dit :
Pierre
Je ne le suis pas.
Evangéliste
Les serviteurs et les gardes étaient là ; ils avaient allumé un brasero - car il faisait froid – pour se réchauffer. Pierre était près d’eux, se réchauffant aussi. Le Grand prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et son enseignement. Jésus lui répondit :
Jésus
J’ai parlé ouvertement devant le monde. J’ai toujours enseigné dans la synagogue et le temple, où tous les Juifs se rassemblent, et n’ai rien dit en cachette. Pourquoi m’interroges-tu ? Demande à ceux qui ont entendu ce que je leur ai dit ! Vois, ces mêmes personnes savent ce que j’ai dit.
Evangéliste
Mais comme il disait cela, un des gardes, qui se tenait là, donna un coup sur la joue de Jésus en disant :
Serviteur
Réponds-tu ainsi au Grand prêtre?
Evangéliste
Jésus répondit :
Jésus
Si j’ai mal parlé, alors montre ce qui est mal, si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?
11. Choral
Qui t’a frappé ainsi, mon Sauveur, et te témoigne aussi peu de respect ?
Tu n’es pas un pécheur comme nous et nos enfants, tu ne sais rien des méfaits.
Moi, et mes péchés, qui se comptent comme les grains de sable de la mer,
Nous avons suscité cette détresse qui t’assaille, ce martyre qui t’afflige.
12. Récitatif
Evangéliste
Et Hanna l’envoya, attaché, au Grand prêtre Caïphe. Simon Pierre se tenait là et se réchauffait, quand ils lui dirent :
Chœur
N’es-tu pas un de ses disciples ?
Evangéliste
Mais il nia et il dit :
Pierre
Je ne le suis pas.
Evangéliste
Un des gardes du Grand prêtre, ami de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, dit :
Serviteur
Ne t’ai-je pas vu dans le jardin avec lui ?
Evangéliste
Alors Pierre nia à nouveau, et aussitôt le coq chanta. Alors Pierre se rappela les mots de Jésus et s’en alla, pleurant amèrement.
13. Aria
Hélas, mon esprit, où iras-tu, où trouverai-je un soulagement ?
Devrais-je rester ici, ou souhaiter fuir derrière monts et collines ?
Nulle part au monde il n’y a de secours ; dans mon cœur demeure la douleur de mon méfait, puisque le serviteur a renié le Seigneur.
14. Choral
Pierre, qui ne se souvient pas, renie son Dieu, mais pleure amèrement après un regard de reproche.
Jésus, regarde-moi aussi, quand je ne me repentirai pas ; réveille ma conscience quand j’ai fait le mal.
15. Choral
Christ, qui nous a bénis, qui n’a rien commis de mal, a été appréhendé pour nous comme un voleur dans la nuit,
Conduit devant des gens sans dieu et faussement accusé, raillé, insulté.
On l’a humilié, comme le dit l’Écriture.
16. Récitatif
Evangéliste
Alors ils conduisirent Jésus de chez Caïphe au prétoire ; il était encore tôt. Ils n’entrèrent pas dans le prétoire, pour ne pas se souiller, mais au contraire pouvoir manger le repas pascal. Alors Pilate sortit vers eux et dit :
Pilate
Quelle accusation portez-vous contre cet homme ?
Evangéliste
Ils répondirent en disant :
Chœur
S’il n’était pas un criminel, nous ne l’aurions pas amené devant toi.
Evangéliste
Pilate leur dit :
Pilate
Alors prenez-le et jugez-le suivant votre loi !
Evangéliste
Alors les Juifs lui dirent :
Chœur
Nous n’avons pas le droit de condamner quelqu’un à mort
Evangéliste
Ainsi était accomplie la parole de Jésus, qu’il a prononcée pour indiquer de quelle mort il mourrait. Alors Pilate rentra dans le prétoire, appela Jésus et lui dit :
Pilate
Es-tu le roi des Juifs ?
Evangéliste
Jésus répondit :
Jésus
Dis-tu cela de toi-même, ou d’autres te l’ont dit de moi ?
Evangéliste
Pilate répondit :
Pilate
Suis-je un Juif ? Ton peuple et les grands prêtres t’ont remis à moi ; qu’as-tu fait ?
Evangéliste
Jésus répondit :
Jésus
Mon royaume n’est pas de ce monde ; s’il était de ce monde, mes gardes combattraient pour que je ne sois pas livré aux Juifs ; mais mon royaume n’est pas d’ici.
17. Choral
Ah grand roi, grand pour tous les temps, comment puis-je assez témoigner ma fidélité ?
Nul cœur humain ne peut concevoir quelle offrande est digne de toi.
Mes sens ne peuvent imaginer comment atteindre ta compassion ;
Comment mes actions peuvent-elles te rendre grâce de tes actes d’amour ?
18. Récitatif
Evangéliste
Alors Pilate lui dit :
Pilate
Alors tu es un roi ?
Evangéliste
Jésus répondit :
Jésus
Tu l’as dit, je suis un roi. Pour cela je suis né et suis venu en ce monde, pour que je puisse témoigner de la vérité. Quiconque est de la vérité entend ma voix
Evangéliste
Pilate lui dit :
Pilate
Qu’est-ce que la vérité ?
Evangéliste
Et ayant dit cela, il sortit vers les Juifs et leur dit :
Pilate
Je ne trouve aucune culpabilité en lui. Mais vous avez une coutume que je relâche quelqu’un pour vous ; voulez-vous maintenant que je relâche le roi des Juifs ?
Evangéliste
Alors ils crièrent tous ensemble et dirent :
Chœur
Pas lui, mais Barrabas !
Evangéliste
Cependant Barrabas était un meurtrier. Alors Pilate prit Jésus et le flagella.
19. Arioso
Mon âme, d’un plaisir anxieux, d’une joie amère et d’un cœur presque serré, considère la souffrance de Jésus comme ton bien le plus haut ;
Regarde comment des fleurs qui t’ouvrent le ciel naissent des épines qui le percent !
Recueille les doux fruits de son amertume ; ne cesse pas de le regarder !
20. Aria
Vois comme son dos, taché de sang de tous côtés, figure un ciel sur lequel,
Après que le déluge de nos péchés se soit abattu,
Un bel arc-en-ciel est apparu comme un signe de la grâce divine !
21. Récitatif
Evangéliste
Les soldats tressèrent une couronne d’épines et la mirent sur sa tête; ils le revêtirent d’un manteau de couleur pourpre et dirent :
Chœur
Salut, cher roi des Juifs !
Evangéliste
Et ils le frappèrent sur la joue. Alors Pilate sortit et leur dit :
Pilate
Voyez, je vous l’amène dehors, pour que vous reconnaissiez que je ne trouve aucune faute en lui.
Evangéliste
Alors Jésus sortit, portant sa couronne d’épines et le manteau de couleur pourpre. Il leur dit :
Pilate
Voyez, quel homme !
Evangéliste
Quand les grands prêtres et les soldats le virent, ils crièrent et dirent :
Chœur
Crucifie-le, crucifie-le !
Evangéliste
Pilate leur dit :
Pilate
Prenez-le et crucifiez-le, car je ne trouve aucune faute en lui !
Evangéliste
Les Juifs lui demandèrent :
Chœur
Nous avons une loi, et selon cette loi il doit mourir ; car il s’est fait lui-même fils de Dieu.
Evangéliste
Quand Pilate entendit ces mots, il devint soucieux, rentra dans le prétoire et dit à Jésus :
Pilate
D’où es-tu ?
Evangéliste
Mais Jésus ne lui donna aucune réponse. Alors Pilate lui dit :
Pilate
Tu ne me parles pas ? Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te crucifier et celui de te relâcher ?
Evangéliste
Jésus répondit
Jésus
Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s’il ne t’avait été donné d’en haut ; donc c’est celui qui m’a livré à toi qui porte le plus grand péché.
Evangéliste
Dès lors Pilate chercha comment il pourrait le relâcher.
22. Choral
Notre liberté doit venir de ta prison, fils de Dieu,
Ta prison est le trône de la grâce, le refuge de tous les croyants ;
Si tu n’avais pas accepté la servitude, la nôtre eut été éternelle.
23. Récitatif
Evangéliste
Les Juifs, cependant, criaient et disaient :
Chœur
Si tu laisses cet homme aller, tu n’es pas ami de César ; car qui se proclame lui-même roi est contre César.
Evangéliste
Quand Pilate entendit ces mots, il emmena Jésus dehors et il s’assit sur le siège du jugement, à l’endroit qui s’appelle le haut-pavé, en hébreu Gabbatha. C’était la veille de la Pâque, à la sixième heure, et il dit aux Juifs :
Pilate
Voyez, c’est votre roi !
Evangéliste
Mais ils crièrent :
Chœur
C’est assez avec lui, qu’on le crucifie !
Evangéliste
Pilate leur dit :
Pilate
Dois-je crucifier votre roi ?
Evangéliste
Les grands prêtres répondirent :
Chœur
Nous n’avons d’autre roi que César
Evangéliste
Alors il le leur livra pour être crucifié. Ils prirent Jésus et l’emmenèrent. Et il portait sa croix et alla jusqu’au lieu dénommé le lieu du crâne, en hébreu Golgotha.
24. Aria
Hâtez-vous, âmes tourmentées, laissez vos antres de martyre, hâtez-vous
(Chœur:) Où ?
Au Golgotha !
Revêtez les ailes de la foi, Volez
(Chœur:) Où ?
Vers la colline de la croix, où fleurit votre salut
25. Récitatif
Evangéliste
Là ils le crucifièrent et avec lui deux autres, un de chaque côté, Jésus au milieu. Et Pilate écrivit un titulus et le plaça sur la croix, où il était écrit : « Jésus de Nazareth, le roi des Juifs ». Il fut lu par de nombreux Juifs, car l’endroit où Jésus fut crucifié était près de la ville. C’était écrit en hébreu, en grec et en latin. Les grands prêtres des Juifs dirent à Pilate :
Chœur
N’écris pas : le roi des Juifs, mais plutôt qu’il a dit qu’il est le roi des Juifs.
Evangéliste
Pilate répondit :
Pilate
Ce que j’ai écrit est écrit.
26. Choral
Au fond de mon cœur, seuls ton nom et ta croix scintillent en tout temps et toute heure, de cela je puis me réjouir ;
Laisse-moi voir comment toi, Seigneur Christ, tu as doucement versé ton sang jusqu’à la mort, pour me consoler dans ma détresse.
27. Récitatif
Evangéliste
Les soldats qui avaient crucifié Jésus prirent ses vêtements et firent quatre parts, une part pour chaque soldat, de même avec sa tunique. Mais la tunique n’avait pas de couture, étant tissée d’une seule pièce. Alors ils se dirent :
Chœur
Ne la déchirons pas, tirons plutôt au sort celui qui l’aura.
Evangéliste
Ainsi pouvait s’accomplir l’Écriture, qui disait : « Ils ont partagé mes habits entre eux et ont tiré ma tunique au sort». C’est ce que firent les soldats. Au pied de la croix se tenaient la mère de Jésus et la sœur de sa mère, Marie, femme de Cleophas, et Marie de Magdala. Quand Jésus vit sa mère et à côté le disciple qu’il aimait, il dit à sa mère :
Jésus
Femme, regarde, c’est ton fils !
Evangéliste
Puis il dit au disciple :
Jésus
Regarde, c’est ta mère !
28. Choral
Jusqu’à la dernière heure il prit bien soin de tout ; pensant encore à sa mère, il lui donna un tuteur.
Ô homme, agis avec justice, aime Dieu et les hommes, alors tu pourras mourir sans nulle peine, et ne t’afflige pas !
29. Récitatif
Evangéliste
Et à partir de cette heure le disciple la prit chez lui. Puis, comme Jésus savait que tout était accompli, pour que l’Écriture soit accomplie, il dit :
Jésus
J’ai soif !
Evangéliste
Il y avait une jarre de vinaigre. Les soldats en imbibèrent une éponge, l’attachèrent à une branche d’hysope et l’approchèrent de sa bouche. Quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit :
Jésus
Tout est accompli !
30. Aria
Tout est accompli !
Ô consolation des âmes qui souffrent !
Cette nuit funèbre est comme celle de la dernière heure.
Le héros de Juda triomphe avec force et clôt le combat.
Tout est accompli !
31. Récitatif
Evangéliste
Il baissa la tête et il rendit l’âme.
32. Aria avec chœur
Mon doux Sauveur, laisse-toi questionner, Jésus, toi qui étais mort :
Maintenant que tu as été cloué sur la croix, que tu as dit : tout est accompli,
Tu vis maintenant pour toujours.
Suis-je libéré de la mort ?
Dans les affres de la mort,
Je ne chercherai nul autre que toi,
Par ton supplice et ta mort puis-je atteindre le royaume des cieux ?
La rédemption du monde est-elle arrivée ?
Toi qui m’a absous, Ô Dieu bien-aimé,
Toi qui souffres trop pour me parler,
Donne-moi seulement ce que tu as gagné,
Incline seulement la tête
Et me dis « oui » en silence.
Je ne désire pas plus
33. Récitatif
Evangéliste
Regardez, le rideau du temple se déchira en deux morceaux du haut en bas. La terre trembla, les rochers se fendirent, les tombes s’ouvrirent et de nombreux corps de saints se levèrent.
34. Arioso
Mon cœur, tandis que le monde entier partage la souffrance de Jésus,
Alors que le soleil se revêt de deuil, le rideau se déchire, le rocher se brise, la terre tremble, les tombes s’ouvrent,
Quand tous voient le Créateur tiédir, que feras-tu pour ta part ?
35. Aria
Mon cœur, fonds dans des flots de larmes, pour l’honneur du Très-haut !
Dis ta détresse au monde et au ciel : ton Jésus est mort !
36. Récitatif
Evangéliste
Or les Juifs, comme c’était le jour de la Préparation, pour que les corps ne restent pas en croix durant le Sabbat (car ce jour était très solennel), demandèrent à Pilate que leurs jambes soient brisées, et qu’ils soient enlevés. Alors les soldats vinrent et brisèrent les jambes du premier homme et de l’autre qui avait été crucifié avec lui. Mais quand ils arrivèrent à Jésus, ils virent qu’il était déjà mort, et ils ne lui brisèrent pas les jambes ; mais un des soldats ouvrit son flanc avec une lance, et aussitôt du sang et de l’eau sortirent. Et celui qui a vu en a témoigné ; son témoignage est véridique et il dit la vérité pour que vous le croyiez. Car cela est arrivé pour que l’Écriture s’accomplisse : « Ils ne lui briseront aucun os ». Et ailleurs il est dit : « Et ils regarderont celui qu’ils ont transpercé ».
37. Choral
Christ, fils de Dieu, par ta passion amère, fais que nous puissions éviter tous les vices, toujours obéissants à toi ;
Que nous tirions profit de ta mort et de sa cause, pour pouvoir t’en rendre grâce, pauvres et faibles que nous sommes.
38. Récitatif
Evangéliste
Alors Joseph d’Arimathie, qui était un disciple de Jésus, demanda en secret à Pilate — par peur des Juifs — de le laisser emporter le corps de Jésus. Et Pilate le lui permit. Il vint pour emporter le corps ; Nicodème vint aussi, qui déjà était venu la nuit, et apportait un mélange de myrrhe et d’aloès d’environ cent livres. Alors ils prirent le corps de Jésus et l’entourèrent de bandelettes avec les aromates, comme les Juifs le pratiquent pour les funérailles. Il y avait un jardin près de l’endroit où il avait été crucifié, et là un tombeau neuf, qui était encore vide. Là ils déposèrent Jésus, à cause du jour de la Préparation des Juifs, puisque le tombeau était tout près.
39. Chœur
Repose en paix, sainte dépouille, que désormais je ne pleure plus, repose en paix, apporte-moi aussi le repos !
La tombe qui t’est choisie et qui ne recèle déjà plus aucune souffrance, m’ouvre le ciel et ferme les enfers.
40. Choral
Ah, Seigneur, laisse ton cher ange mener mon âme à sa fin dernière, au sein d’Abraham.
Laisse mon corps reposer doucement dans sa chambre, sans douleur ni tourment, jusqu’au dernier jour !
Réveille-moi alors de la mort, pour que mes yeux puissent te voir, en toute joie, ô fils de Dieu,
Mon Sauveur, trône de la grâce !
Seigneur Jésus Christ, écoute-moi, je te louerai éternellement !