une conversation avec Lionel Meunier
Dans le sillage du Baltic Sea Festival, les Flagey Choir Days présentent des choeurs de renommée mondiale qui interprètent un répertoire baroque et contemporain, explorant la relation entre notre corps et notre esprit. Lionel Meunier, fondateur de Vox Luminis et commissaire du festival, nous parle de sa démarche artistique.
Pourquoi avoir accepté ce rôle de commissaire des Flagey Choir Days ?
C’était l’un de mes rêves de m’occuper de la programmation d’un festival éclectique représentant mes goûts personnels, sans forcément me limiter à la musique ancienne. L’éclectisme de Flagey correspond à ma propre vision artistique: exigeante, mais toujours ouverte à des découvertes. Par ailleurs, j’apprécie beaucoup l’endroit en lui-même, qui offre une très belle acoustique. Et pour couronner le tout, travailler avec l’équipe de Flagey est un vrai plaisir, ce qui a achevé de me convaincre d’accepter cette proposition.
La relation entre le corps et l’esprit est au coeur de la réflexion de ce festival. Quel rôle la musique vocale joue‑t‑elle dans cette relation ?
La voix est un instrument fascinant et le plus personnel que nous ayons, car elle fait partie de nous. La musique vocale est l’une des meilleures façons d’exprimer la relation entre le corps et l’esprit, car elle représente notre âme qui peut s’exprimer à travers quelque chose qui fait partie de notre corps..
Pouvez-vous nous en dire plus sur les artistes que vous avez conviés pour cette édition ?
J’ai choisi des artistes que j’apprécie énormément et que j’ai envie de faire découvrir. Le festival s’ouvre avec La Rappresentatione di Anima e di corpo de Cavalieri par Vox Luminis. Cette oeuvre est, je pense, à écouter au moins une fois dans sa vie. J’ai également convié Anthony Romaniuk, un de nos membres de Vox Luminis. Je suis particulièrement heureux qu’il ait accepté de jouer la Suite anglaise de Bach, une pièce qui dévoilera tous ses talents de claveciniste.
Le chef d’orchestre et de choeur Paul Hillier est une source d’inspiration pour la qualité de son travail. Les ensembles qu’il a créés sont une référence dans la musique vocale européenne, et même de renommée mondiale. En plus de ce qu’il fait pour la musique contemporaine, il fait un très beau travail et adore le compositeur baroque Heinrich Schütz. Quelqu’un qui adore Heinrich Schütz ne peut être que quelqu’un de très bien, n’est-ce pas ? (rires)
Sjaella est un véritable coup de coeur. L’histoire de cet ensemble est incroyable : il a été fondé il y a 18 ans, par six jeunes filles âgées de 9 à 11 ans passionnées par le chant. Depuis, elles ont réussi à vivre de leur passion professionnellement. J’ai été ébloui par leur son unique. Je suis également ravi qu’elles fassent un workshop avec la Flagey Academy, un projet dans lequel je m’investis beaucoup.
Le festival se clôture avec le concert de Vox Clamantis, un excellent ensemble qui possède un son incroyable d’une beauté très exigeante. Il est dirigé par un très bon chef, Jaan-Eik Tulve, qui intègre la musique estonienne et des créations dans ses programmes. L’ensemble interprétera une nouvelle oeuvre de David Lang, un des compositeurs contemporains que j’écoute le plus. Sans entrer dans un débat musicologique, il s’agit d’un compositeur crucial dans le minimalisme post-moderne. Dans notre musique ancienne, on se dit souvent “Ah ! Si seulement on pouvait demander au compositeur ce qu’il voulait”. C’est donc fabuleux d’avoir un compositeur présent durant le festival.
Un dernier mot pour le public ?
Si je devais choisir un mot, ce serait tout simplement “Venez !” (rires). J’ai envie que les gens viennent, restent et fassent leur propre programme. Il ne faut pas forcément voir tous les concerts pour profiter du festival. Mais le fait que les concerts se répondent et tracent un chemin selon une logique est une expérience incroyable. Soyez curieux, venez, et je serai là pour répondre à vos questions, pour partager avec vous, tout comme un grand nombre d’artistes. Je pense que c’est ce dont on a besoin actuellement : non seulement de chanter ou de jouer, mais de partager quelque chose de plus profond avec notre public.
Propos recueillis par Lisanne Verhaegen