Entretien avec Matthew Herbert
Le 23 juin 2016, les Britanniques ont décidé de sortir de l’UE. En réaction, Matthew Herbert a lancé “une tournée d’excuse” avec son Brexit Big Band, pour célébrer la collaboration et les communautés artistiques et musicales par-delà les frontières nationales. Le projet né au moment de l’invocation de l’article 50 (le début effectif la procédure de sortie) se terminera en 2019 lors du Brexit et avec la parution d’un album. Flagey vous propose de découvrir le travail parcouru à mi-chemin.
Depuis toujours, votre musique revêt une dimension supplémentaire. Elle transmet toujours un message clair.
M H: “Je suis tout à fait d’accord avec George Orwell lorsqu’il dit que le silence politique est loin d’être innocent. Moi-même, je me trouve dans une situation où mon travail est indissociable de mon environnement de vie personnel. En tant qu’homme européen blanc, je profite de nombreux avantages. Il est important pour moi de remettre ces privilèges en question.“
Il y a plus de trente ans, c’était l’époque de Margaret Thatcher et du punk. Selon vous, les choses ont-elles beaucoup changé depuis ?
M H: “(rires) Oui, quand même. Aujourd’hui, on impose aux musiciens la manière dont ils doivent se comporter. La raison principale est que désormais, nous regardons la musique plus que nous ne l’écoutons. On fait des clips où l’apparence et les vêtements sont d’une importance primordiale. Le look prend l’ascendant sur le contenu. C’est une source d’incertitude. Ce que je veux dire, c’est que si on ne brosse pas les gens dans le sens du poil, on risque de perdre des sponsors. Les grands labels gagnent encore un maximum d’argent qui ne se retrouve pas dans la poche des artistes. À leur tour, ceux-ci font ce qu’on leur demande sans rechigner. Tout cela a un impact sur la créativité. Personne n’ose plus vraiment sortir de l’ordinaire et chacun joue son petit rôle.“
Dans quelle mesure votre “work in progress” a-t-il déjà évolué depuis le début du projet ?
M H: “Au début, l’objectif était d’évoluer en parallèle avec les actions du gouvernement, mais il est tellement désorganisé et inutile que je me suis retrouvé bloqué. C’est pourquoi le projet a pris une tournure plus personnelle, plus émotionnelle. Il s’agit de moins en moins du Brexit en lui-même et de plus en plus du lien direct avec certains événements. Par exemple, dans un morceau, je souhaite la bienvenue à tous les réfugiés dans ce pays.“
Avez-vous déjà rassemblé des effets sonores supplémentaires, comme vous le faites dans la plupart de vos autres morceaux ?
M H: “Nous y travaillons intensivement. Via le site internet www.brexitsoundswap.eu, tout le monde peut m’envoyer un fragment sonore que j’utiliserai pendant les concerts. Au moment où le Royaume- Uni se sépare de l’Europe, je souhaite justement souligner l’importance de la collaboration et du dialogue. “
Un big band est une forme de mini société. Prenez-vous aussi la responsabilité, en tant que leader, d’imposer des décisions à certains moments ?
M H: “Je ne me considère certainement pas comme un leader, et je trouve cela assez embêtant que mon nom soit toujours mis en avant, car sans le groupe, je ne suis nulle part. Un nom plus générique serait probablement plus adapté. D’ailleurs, la composition de l’orchestre est différente à chaque concert. Étant donné que je travaille de manière totalement autonome, je peux me permettre d’organiser des répétitions avec des musiciens professionnels différents. Mon bigband, n’est pas un café d’habitués. Mais je n’hésite pas à dire ce que je pense quand il le faut. Le leadership ne m’intéresse pas en tant que tel. Je pense que mon rôle de catalyseur d’idées est beaucoup plus important.“
Voulez-vous mieux connaître la musique de Matthew Herbert?
Venez à son concert pendant le Brussels Jazz Festival:
Matthew Herbert Brexit Big Band: 20.01 - 20:15